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Critique PRESSE

IL ETAIT UNE FOIS LE CINEMA

Article écrit par Jean-Max Méjean

Les cinglés du cinéma

Malgré quelques maladresses au niveau du jeu des acteurs – mais n’est-ce pas ce qui en fait tout son sel ? – ce méta-film est surprenant et très émouvant car il ne s’agit rien moins que d’une déclaration d’amour au cinéma. Les fêlés du titre sont bien sûr les amateurs de cinéma, pas vraiment des cinéphiles, mais des dingos de l’objet cinéma et de ses belles images à la manière du réalisateur de ce film, Robert Coudray, tel qu’il semble le confier dès le début de son film à la manière de Martin Scorsese dans son film Hugo Cabret.  « Mon projet de vie, ça a été depuis l’âge de 16 ans, de faire du cinéma. C’est un article de Claude Lelouch qui l’a déclenché où il parlait de ses déboires de jeune cinéaste, déclare-t-il dans le dossier de presse du film. Et moi, mon parcours avec le cinéma, c’est du contre-courant et beaucoup de refus. Mais… je suis plus qu’un entêté, ça frôle peut-être la fêlure : ton rêve, tu le portes sur ton dos, comme une nécessité, une évidence qui te tient dans les tripes et dans le coeur. Et ça dure … 40 ans. Et puis à force de revers et d’écritures pour les tiroirs, j’en ai eu assez. Avec ma compagne, on s’est dit qu’on allait le faire ce long-métrage tant espéré, quoi qu’il arrive. »

Faire son film soi-même

D’ailleurs, Heureux les fêlés fête tous les cinglés, les poètes et les rêveurs à la manière des personnages d’Arizona Dream d’Emir Kusturica dont les machines volantes ou pas du film constituent un hommage aussi. Toutes ces citations ne sont pas en effet un constat mais un encouragement pour que Robert Coudray, dont c’est le deuxième film après Je ne demande pas la Lune, continue son chemin enchanteur. Ils sont peu nombreux, notamment en France, à célébrer les poètes, les doux dingues qui font des films avec trois bouts de ficelle et il faut bien sûr les encourager. Surtout qu’en plus, ici, il s’agit d’un film qui raconte un film en train d’essayer de se tourner. On ne pense pas bien sûr ni à La Nuit américaine de Truffaut, ni non plus à Huit et demi de Fellini, mais à certains films qui n’hésitent pas à mettre la barre très haut en tentant d’expliquer la magie de la fabrication d’un film depuis l’écriture du scénario puis du story-board, en passant par son financement et sa réalisation bien souvent chaotique. Le dossier de presse aborde bien la personnalité de ce réalisateur, poète et ferrailleur : Il y a des films atypiques et Heureux les fêlés en fait partie. Le réalisateur du film, Robert Coudray qui se défini lui même comme « poète ferrailleur », est bien connu dans le Morbihan en Bretagne pour les œuvres spectaculaires qu’il réalise. Son parc à Lisio attire chaque année environ 60.000 personnes. Aussi, que ce soit pour ce film ou son précédent Je ne demande pas la Lune, il a réussi à mobiliser des centaines de personnes de sa région pour participer à leur réalisation.

Aller jusqu’au bout de son rêve

En plus d’être un film de bouts de ficelle, Heureux les fêlés parlera à tous les rêveurs parce que, justement, son réalisateur et sa compagne ont su dynamiser des copains, une Région entière, pour arriver à donner vie au rêve de toute une vie ainsi que le définit Robert Coudray qui a bien sûr mis tout son cœur et son âme dans ce film : « Notamment dans l’idée d’aller au bout de ses rêves ou de toutes utopies. Je suis du genre casse-cou avec mes utopies et connais plutôt bien le sujet, tendance Don Quichotte assagi. Je ne voulais pas faire ce deuxième film, c’est tellement compliqué le monde du cinéma et ne voulais surtout pas faire un film avec une part d’autobiographie, c’était inconcevable. » A voir pour rêver à son tour !

REGARDS PROTESTANTS

Jean-Luc Gadreau

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HEUREUX les fêlés… sur les ailes des anges !Ce feel-good movie sort en salles mercredi 9 novembre, deuxième film du réalisateur.

 

Une poésie et dynamique de vie se dégage merveilleusement de ces quelques 1h30 d’histoire simple, belle, émouvante, joyeuse, épique (et ça pourrait continuer encore et encore…).

 

Une histoire de fêlés certes, qui nous ressemblent tous un peu quand même, ou qui devraient nous ressembler davantage sans doute. Aussi, que ce soit pour ce film ou son précédent Je ne demande pas la Lune (totalement autofinancé et qui avait fait l’exploit de dépasser 42 000 entrées salles et projections diverses, sans noms connus), il a réussi à mobiliser des centaines de personnes de sa région pour participer à leurs réalisations. Cette fois-ci, des professionnels se sont ajoutés, mais des personnes comme vous et moi sont aussi une nouvelle fois de la partie et développent une forme d’authenticité absolument remarquable.
Mais ne croyez pas que vous irez voir un film chaotique aux imperfections éclatantes. Heureux les fêlés est de surcroit extrêmement bien filmé, avec une très belle photo, une bonne réalisation, un montage efficace et une BO tout à fait impeccable.

Laurent Voiturin dans le rôle d’Alex et Myriam Ingrao dans celui d’Eva (une dessinatrice sculptrice bretonne qui devient ici actrice… avec un petit air de Vanessa bien sympathique) tiennent les choses bien solidement et toute la bande semble se laisse porter, comme le dit si joliment François (Jean Kergrist) le curé défroqué, marginal vivant en ermite, sur les ailes des anges, et nous emporter avec eux dans un rêve qui devient réalité, dans une folie jubilatoire qui fait du bien à l’âme.

BienHeureux les fêlés… car ils laisseront passer la lumière. Jamais la citation souvent attribuée à Audiard (mais sans source vérifiée) – sublime contrefaçon d’une des béatitudes – n’a fait autant sens. Alors laissez-vous éclairer… filez vite en salles vous faire contaminer par ce doux et nourrissant faisceau qui, dans la période assez sombre, est d’utilité publique ! Freddy la déglingue et toute sa clique mérite que le bouche à oreille fonctionne à fond la caisse, croyez-moi.

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CINE ZOOMS

Notre avis : Un film atypique, à l'univers singulier, qui procure du bonheur avec ses personnages sympathiques et d'une grande simplicité, vivant dans le moment qu'il soit joyeux ou triste... Mais les rêves persistes et il font vivre et vibrer les êtres si vrais qui peuplent cette histoire où tout est risqué, mais si l'on entreprend rien de nouveau dans sa vie, tout est fade et monotone... Se réaliser est important et c'est ce que véhiculent les personnages. Tout est propice au rêve et l'on circule avec plaisir dans cet univers réel qui existe vraiment et que l'on peut visiter comme le dit le réalisateur dans l'entretien à lire ci-dessous. Un univers féérique qui soulage de nos maux quotidiens. Les artistes peuvent générer cela et transmettre un air de liberté, que l'on capte et attrape volontiers. Etre fêlés fait du bien, alors soyons tous plus ou moins fêlés pour vivre heureux ! Gérard Chargé

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JEUNE CINEMA en ligne directe

par Francis Guerman

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Le cinéma en circuit court, cela existe, c’est ce que pratique avec bonheur Robert Coudray, à partir de sa Bretagne natale et son village de Lizio, dans le Morbihan. Son premier film, Je ne demande pas la Lune (2013), autofinancé et réalisé dans des conditions d’amateur, a dépassé tout de même 40 000 entrées, essaimant à partir du village qui l’a vu naître.

Son obsession première, depuis l’âge de 16 ans, c’est le cinéma. Son obstination, son inconscience sans doute, et sa capacité à mobiliser autour de lui ont fait qu’il réussit, mais toujours difficilement, à concrétiser ses rêves de réalisateur. Son second film est donc Heureux les fêlés, titre aussi évocateur que le premier de sa position marginale dans l’industrie du cinéma, face au financement d’un film distribué en salles.
 

Le film met en scène Alex, producteur de cidre breton, qui rencontre et tombe amoureux d’Eva, une journaliste venue faire un reportage sur sa cidrerie. Celle-ci va l’inciter à renouer avec son rêve de faire du cinéma et le décider à se lancer dans la réalisation du film qu’il porte en lui depuis de nombreuses années. Eva dessine, imagine des décors à ce rêve. Ils forment une petite équipe composée de compagnons de rencontre et d’infortune (un artiste circassien solitaire, un vagabond recueilli sur la route, un migrant sans-papier recherché par la police).
 

Ils se lancent, improvisent, ratent plus que ne réussissent, cherchent sans succès des financements, mobilisent leurs amis et connaissances, construisent de leurs mains tout un univers poétique, se séparent, se retrouvent… et finissent par réaliser leur film, non sans drames (le cancer d’Eva, la fuite de Kamel le migrant).
Belle histoire d’amour et d’amitié, de persévérance et de croyance en l’humanité, ce film est aussi d’une tenue technique plus qu’honorable étant donné le peu de moyens que Robert Coudray a pu mobiliser. Il est aussi habile dans sa conception. C’est un film dans le film, un exercice à tiroir - Robert Coudray réalise son rêve de cinéma en filmant son alter ego (plus jeune) qui réalise lui aussi son rêve de cinéma. Ce jeu de miroirs nous touche car on reste proche de la vie elle-même, sans affèterie. Les maladresses de scénario, de direction d’acteurs, de montage, ne sont pas des défauts rédhibitoires : ce sont des signatures, aux côtés d’immenses qualités humaines et de sincérité.

La cohérence tient là, dans ce boitillement qui donne à ce film foisonnant, vraiment atypique, un intérêt presque unique, une qualité subversive, en tout cas un questionnement sur ce que pourrait bien être encore le cinéma, ou le redevenir, dans un retour aux sources, au cinématographe, à l’art forain, à ce rêve populaire où la fraîcheur, les yeux émerveillés, permettent d’être à la fois devant et à l’intérieur du spectacle. Et cela malgré tout, les drames de la vie, le sentiment d’impuissance, les failles sociales, une économie écrasante, les cloisonnements croissants de la société.

On comprend alors que les circuits courts - du producteur au consommateur - peuvent aussi s’appliquer à la culture et, alors que cela semblait si improbable, créer une sorte de néo-cinéma aux préoccupations locales, justes et durables, créateur de lien social et de solidarité. Espérons que les programmateurs courageux et qui ont gardé un grain de folie oseront le proposer à leur public. Et sans doute le bouche à oreille, un fois de plus, fera le succès de ce film bien sympathique.

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